Pas de 'Plan banlieue' pour Macron : ce qu'en pense Karim Bouhassoun, auteur bisontin de 'Que veut la banlieue ?'

Publié le 23/05/2018 - 15:40
Mis à jour le 24/05/2018 - 09:58

Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé qu’il ne présenterait pas de « plan banlieue » mardi 22 mai 2018, estimant que les plans de mobilisation pour les quartiers en difficulté ne fonctionnaient plus. Pour Karim Bouhassoun, conseiller politique pour la Région Bourgogne Franche-Comté et auteur de Que veut la banlieue ? (éd. L’Harmattant) et sans étiquette politique, le discours du président comportait de bonnes choses, mais avec des oublis… 

 ©
©

Karim Bouhassoun était déjà à Paris mercredi dernier pour intervenir à l'Assemblée nationale avec le secrétaire d'État Julien Denormandie et le député Aurélien Taché qui l'avait invité à prendre la parole et animer une conférence devant les députés, des associations et des élus, en préliminaire du discours du président de la République qui s'est déroulé mardi matin.

Karim Bouhassoun était l'un des invités à la salle des fêtes de l'Élysée pour prendre la parole parmi les autres invités (élus, associations, acteurs des territoires…) et écouter Emmanuel Macron suite à la remise du plan de Jean-Louis Borloo. 

De manière générale, qu'avez-vous pensé du discours d'Emmanuel Macron ? 

"J'ai pensé que son discours était responsable parce qu'il était réaliste pour deux raisons principales :

Dès le début du quinquennat, sur la partie économie et financement, le ton a été donné quand le gouvernement a réduit les crédits de la politique de la ville. Je ne dis pas que la politique de la ville est la solution, mais on est allé plutôt vers des économies que vers des grands plans d'investissement pour les banlieues. C'est un premier élément.

J'ai trouvé que c'était un discours réaliste aussi pour une autre raison : la solution n'est pas dans les grands plans, il l'a bien dit, c'est la génération passée. Les grands plans qui ont été faits dans les banlieues comme en 1967, c'était des plans qui devaient tout changer et qui finalement n'ont pas donné de résultats probants. Ce que je trouve également réaliste c'est que le président propose une philosophie… Les dés sont jetés, c'est assez audacieux de miser un discours pour ces quartiers qui regroupent 5,5 millions de personnes sur une philosophie. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont une bombe à retardement, est-ce que ça va être piloté d'une manière centralisée, ou saupoudrée ? Il faudra une forte vigilance. (…)

Beaucoup de personnes comme moi avaient demandé un plan ambitieux pour les banlieues. J'avais notamment proposé en amont ce que j'appelle les "trois 5" soit 5 milliards d'euros sur 5 ans sur 5 priorités dans l'immatériel. On ne sera pas à ce rendez-vous là, maintenant, comment les territoires les plus proches du terrain bénéficieront de cet élan que veut lancer Emmanuel Macron ? La véritable question est là. (…)

Qu'avez-vous pensé de l'annonce de 30 000 stages pour des élèves de 3e dans des entreprises pour combattre l"'assignation à résidence" dans les quartiers ? 

"Je trouve que c'est une bonne idée. Je fais référence à mon expérience personnelle : quand j'ai quitté l'école primaire pour aller au collège, il y a eu un moment de ma vie où j'ai compris que tout ce que j'apprenais à l'école était pour me projeter dans la vie. J'avais rédigé moi-même une lettre et je me suis retrouvé dans une situation à l'extérieur de l'école où j'étais en contact avec d'autres, élargir mon horizon, et je faisais du réseau : j'étais dans une posture d'apprenti avec des responsabilités puisque je représentais ma classe, mon professeur principal, et c'est un élément pour responsabiliser les jeunes et ouvrir leur regard sur le monde. Je pense que c'est fondamental de remettre ces stages au goût du jour." 

Le président a également évoqué un énième plan de lutte contre les trafics de drogues… 

"C'est la partie du discours du président où j'ai été déçu parce que ce message-là ne s'adresse pas uniquement aux habitants des quartiers, il s'adresse en réalité à la nation. La lutte contre la criminalité, c'est soit on réduit la courbe de la criminalité, soit on n'y arrive pas, ce ne sont pas les mots qui vont faire, ce sont les actions sur le terrain. J'ai été déçu qu'il insiste sur ça et sur la radicalisation parce que finalement, les premières victimes des violences vivent dans les banlieues. J'aurais plutôt aimé l'entendre sur le développement économique et sur la formation. On ne l'a pas assez entendu là-dessus. Le rapport de Jean-Louis Borloo le dit clairement : la solution elle est avant tout économique. Le président de la République, alors qu'à ce jour il y a des agences qui semblent battre de l'aile comme l'agence France Entrepreneur qui est censée investir dans le développement des entreprises dans les quartiers… On aurait attendu Emmanuel Macron davantage sur ce qu'on va faire pour aider les entrepreneurs des quartiers à faire grandir leur entreprise. Je vous donne deux chiffres :

  • les entreprises créées dans les quartiers ne passent pas le cap des 3 ans ;
  • en France, on dépasse 32 milliards d'euros pour la formation. Le président a indiqué que dans le plan pour la formation de 15 milliards d'euros, on fera en sorte de réorienter massivement cet argent pour les publics les plus fragiles. En Bourgogne Franche-Comté, les personnes au chômage vivent pour la plupart dans les quartiers populaires et on n'en a pas entendu parler… 

Dans votre livre Que veut la banlieue ?, vous proposez des idées… Pouvez-vous en citer quelques-unes qui changeraient les choses dans les quartiers selon vous ? 

"Dans mon livre, je pars d'un constat : depuis 10 ans, on a pris la mauvaise direction.

Dans une tribune que j'ai écrit dans Libération, j'ai titré "Il faut détruire les banlieues", c'est-à-dire que pour arrêter d'avoir des problèmes de banlieues en France, il faut détruire les grands ensembles. J'ai été un peu provocateur, mais j'ai donné mon avis même si je ne suis spécialiste de la banlieue, j'ai juste grandi dans un grand ensemble dans l'Essonne et après j'ai fait mon chemin.

Je dis démolissons les tours, on fait des villes à place de faire des banlieues !

Lors du programme de l'ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), on a mis 48 milliards pour rénover les banlieues (on a détruit des barres, refait des immeubles, etc.), en fait, on a reconsolidé les grands ensembles à l'écart de la ville : pensez à Planoise, aux Clairs Soleils, à la Grette, à Montrapon… C'est plus propre, plus moderne, sauf quand on questionne les habitants de ces quartiers : 72% des personnes qui ont été interrogées me disent que la situation s'est dégradée, donc il y a un malaise.

Je propose d'investir dans l'immatériel : depuis plusieurs années, on investi dans le matériel, mais le plus important c'est l'immatériel avec les trois 5 dont je vous parlais tout à l'heure , soit 5 milliards sur 5 ans avec les 5 points suivants :

  • Développement économique
  • Formation, éducation
  • Culture (massivement)
  • Droit à la ville (quitter les HLM pour le centre-ville) et les moyens de transport pour qu'ils soient moins chers
  • La démocratie locale en faisant siéger des habitants des quartiers aux conseils municipaux, départements et régionaux pour qu'eux aussi donnent leur avis de l'intérieur. 

Une conclusion ? 

"L'échelon le plus important aujourd'hui pour faire en sorte que l'égalité des territoires soit assurée, c'est l'échelon territorial tel que les mairies, départements, régions... qui sont sur le terrain.

Dernière chose qui est assez fondamentale : les problèmes que connaissent les habitants des quartiers tels que le chômage, la difficulté à trouver une formation, l'absence de vie culturelle ou les problèmes de démocratie locale et la perte de confiance en la politique, il faut savoir que les territoires ruraux subissent les mêmes problèmes. Pour vous donner un dernier chiffre : 1 jeune sur 3 entre 18 et 24 ans renonce à un entretien d'embauche à cause du prix des transports en milieu rural. Si on pense à un plan, une nouvelle philosophie pour les banlieues, il faut aussi qu'elle s'applique aux campagnes. Aux mêmes maux, les mêmes remèdes." 

Infos +

  • Karim Bouhassoun est né dans un quartier populaire de l'Essonne. Il vit en Bourgogne Franche-Comté depuis 2012 et à Besançon depuis 4 ans. Actuellement, il est conseiller politique de la présidente de Région Bourgogne-Franche-Comté pour l’économie, le numérique, les transports, le tourisme et l’économie sociale et solidaire et sur sa communication personnelle. Karime Bouhassoun est "sans étiquette" politique et s'investit depuis de nombreuses années dans la lutte contre les inégalités et le "décrochage" scolaire.
Soyez le premier à commenter...

Laisser un commentaire

Politique

Le RN veut interdire un concert en faveur d’Urgence Palestine, sous le coup d’une procédure de dissolution

Le Rassemblement national a interpellé le Préfet du Jura à propos de la tenue d’un concert organisé à Arbois mardi 11 novembre. Selon le communiqué diffusé par les élus du parti, l’évènement est porté par "des collectifs d’extrême-gauche" et les fonds récoltés doivent être reversés à l’association Urgence Palestine.

Municipales 2026 : le Parti communiste reste avec Anne Vignot et déterminé à unir la gauche

Réuni ce samedi 8 novembre, le Parti communiste français - section de Besançon a largement voté en faveur d’une nouvelle alliance avec la liste menée par la maire sortante Anne Vignot (EELV) pour les élections municipales de 2026. Le résultat du vote interne est sans appel : 97,93 % des 90 votants ont approuvé cette reconduction de l’union.

Municipales 2026 à Besançon : le Parti radical de gauche rejoint la liste de Jean-Sébastien Leuba

Après avoir soutenu Nicolas Bodin, candidat dissident du Parti socialiste, le Parti radical de gauche s’est finalement rallié au collectif Besançon Forte et Solidaire, conduit par Jean-Sébastien Leuba, a-t-on appris dans un communiqué du 6 novembre 2025. Ce rassemblement regroupe désormais des membres de la société civile, CAP21, Place publique, le Parti socialiste et le Parti radical de gauche.

Sécurité et narcotrafic : Jérôme Durain embarque les Régions à prendre part aux réflexions nationales

À l'occasion du 21e Congrès des Régions de France, le conseil des régions a annoncé la création d'un groupe de travail consacré aux questions de sécurité et de prévention. Tandis qu'elles n'ont pas la compétence de la sécurité, elles souhaitent mlagré tout renforcer leur place dans la réflexion nationale sur ces sujets. Cette nouvelle instance sera présidée par Jérôme Durain, président de la Région Bourgogne Franche-Comté, lui qui était surnommé 'Monsieur Narcotrafic' lorsqu'il était sénateur.

Budget de l’Éducation nationale 2026 : Laurent Croizier plaide pour une école “stable et sereine”

Lors de l’audition du ministre de l’Éducation nationale Édouard Geffray, le député du Doubs Laurent Croizier (groupe Démocrate) a présenté les priorités de son groupe concernant les crédits de la mission ”Enseignement scolaire” du projet de loi de finances pour 2026.

Eaux pluviales : Grand Besançon Métropole veut préparer le territoire aux orages de demain

Après deux années d’étude, Anne Vignot, présidente de Grand Besançon Métropole et Christophe Lime, vice-président en charge de l’Eau et de l’Assainissement, soumettront au débat communautaire ce jeudi 6 novembre 2025, un document stratégique sur la gestion des eaux de pluie. Objectif : anticiper les effets du changement climatique et mieux encadrer l’urbanisation.

Jean-Louis Fousseret et Alexandra Cordier relaxés par le tribunal correctionnel de Besançon

Le parquet de Besançon avait été saisi en juillet 2024 d’un signalement de la procureure financière de la Chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche Comté. Ce signalement a été effectué à l’issue du contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Besançon, qui a révélé des faits susceptibles, selon la procureure, de constituer une prise illégale d’intérêt et un détournement de fonds publics. Le tribunal correctionnel de Besançon a relaxé Alexandra Cordier et Jean-Louis Fousseret ce 5 novembre 2025.

Océane Godard dénonce l’implantation de Shein à Dijon : “le symptôme criant de l’abandon de nos valeurs”

L’ouverture prochaine d’un magasin Shein dans le centre-ville de Dijon provoque de vives réactions politiques. La députée de la Côte-d’Or, Océane Godard (PS), a publié le 4 novembre 2025 un communiqué dans lequel elle dénonce "un symbole de la faiblesse politique de l’Union Européenne et une menace pour nos territoires".

Ludovic Fagaut en photo avec Bilel Latrèche : une amitié qui fait polémique en pleine campagne à la mairie de Besançon

Le candidat Les Républicains à la mairie de Besançon, Ludovic Fagaut, est parti en voyage privé à Marrakech, où il y a retrouvé sur place son ami Bilel Latrèche. Un séjour à titre personnel qui aurait pu passer inaperçu… si des photos publiées le 30 octobre 2025 n’avaient déclenché une vive controverse sur les réseaux sociaux. En cause : la présence de Bilel Latrèche, condamné à une peine de prison avec sursis pour violences conjugales en août dernier par le tribunal correctionnel de Dijon.

Le PCF appelle à “retrouver le chemin de l’union” de la gauche dans les grandes villes du Doubs

Dans un communiqué diffusé le 1er novembre 2025, le conseil départemental du Parti communiste français (PCF) du Doubs plaide pour une relance de l’union des forces de gauche à l’approche des élections municipales, notamment à Besançon, Pontarlier et Montbéliard. Le parti déplore une dynamique de rassemblement aujourd’hui "vacillante" malgré, selon lui, de nombreuses convergences programmatiques.

Offre d'emploi

Devenez membre de macommune.info

Publiez gratuitement vos actualités et événements

Offre d'emploi

Sondage

 12.66
couvert
le 11/11 à 15h00
Vent
1.23 m/s
Pression
1016 hPa
Humidité
79 %