La présidente commence par présenter les deux derniers cas, ceux de Simard et Gandon. Le cas Simard étant celui qui a permis de faire éclater l’affaire des empoisonnements au grand jour. Opérée du dos à 36 ans à la clinique Saint-Vincent, son coeur lâche sans raison au cours de l’opération. Très vite, alors même qu’il n’est pas son anesthésiste, le docteur Péchier arrive et lui injecte du gluconate de calcium qui permettra de stabiliser son état. Cet « événement indésirable grave » (EIG) lui vaudra tout de même cinq jours de coma et des séquelles irréversibles.
Suspicieuse, l’anesthésiste de la patiente fera réaliser des analyses sur les poches de perfusion. Celles-ci révéleront une dose de potassium ahurissante. La police est alors saisie et une enquête est ouverte. Celle-ci marque le début des ennuis judiciaires pour Frédéric Péchier.
Neuf jours après, survient le cas Jean-Claude Gandon qui deviendra pour les enquêteurs en charge du dossier l’EIG alibi du docteur Péchier. Jusque-là épargné par les faits d’EIG, l’anesthésiste s’aperçoit durant l’opération d’une pollution des poches de solutions et se serait écrié « ça y est, je m’en suis pris un », immédiatement convaincu d’être à son tour la cible d’un acte de malveillance contrairement à ses confrères victimes d’événements similaires. Il sera plus tard accusé par les enquêteurs de s’être auto-sabordé pour paraître au-dessus des soupçons.
S’en suit l’énumération complète et chronologique des 28 autres cas de patients âgés de 4 à 89 ans survenus entre 2008 et 2017 dont le docteur Péchier est, pour les enquêteurs, le dénominateur commun.
La présidente évoque plusieurs des éléments à charge contre l’anesthésiste comme la fois où il aurait demandé à son confrère, le docteur Jouffroy, de modifier plusieurs de ses dires consignés dans un rapport établi à la suite d’un EIG. Ou encore lorsque, après avoir affirmé qu’il était on ne peut plus facile de polluer une poche de solution, le Dr Péchier effectue, afin de prouver ses dires, une démonstration de pollution d’une poche de solution devant ses collègues médusés.
Autre exemple avec le patient Ulysse Busseto qui déclarera aux enquêteurs après avoir frôlé la mort, que Frédéric Péchier est venu le voir dans sa chambre et lui aurait lancé sans un bonjour « c’est moi qui vous ai tiré d’affaire ». Des dires contestés depuis par le docteur.
L’énoncé des faits se poursuit
Présente dans la salle, la fille de Monique Varguet fond en larmes à la lecture des faits concernant le décès de sa mère. De son côté, attentif durant toute la très longue lecture des faits, le docteur Péchier écoute la présidente sans ciller, échangeant à de rares occasions quelques mots avec son avocat. Après deux heures d’énoncé, seuls les faits inférieurs à 2013 ont été abordés. La séance est suspendue pour 20 minutes.
L’énoncé des faits se poursuit. Parmi eux, est évoquée la descente aux enfers de l’anesthésiste Colette Arbez. Docteur émérite jusqu’en 2010, alors qu’elle est proche de la retraite, elle va subitement être frappée par plusieurs EIG dont plusieurs mortels. À son sujet, le docteur Péchier dira qu’elle « faisait chier », que Colette « a encore fait des siennes ». Il aurait également dit à propos d’elle qu’elle souffrait de problèmes de vue et qu’elle aurait très bien pu injecter par erreur un anesthésique local par voie intraveineuse. Élément totalement réfuté par la principale intéressée qui faisait remarquer qu’elle n’avait jamais eu besoin de porter de lunettes.
Les juges sont également revenus sur un fait survenu à la suite d’une dispute conjugale entre les époux Péchier en 2014. Le SMUR est alors prévenu par la femme du docteur inquiète après qu’il ait pris la voiture et disparu depuis plusieurs heures. Le SMUR le retrouve dans son véhicule garé à proximité du bois de la Chevillotte avec des seringues et des poches de perfusion. Il évoque aux secours un surmenage professionnel. L’enquête, elle, conclura à un simulacre de tentative de suicide. Durant une perquisition, la police découvrira également une mallette comprenant du matériel médical dont du matériel de perfusion et un garrot. Pour se justifier, l’anesthésiste déclarera qu’il s’agissait de la trousse de secours fournie par la marque de son ancien véhicule Audi. La marque contredira en expliquant que celle-ci ne contient initialement que de la gaze et des pansements.
Le déroulé des faits s’enchaîne jusqu’à tard dans l’après-midi. Ceux-ci seront désormais évoqués plus en détail dès demain au cas par cas lors des douze prochaines semaines en présence des témoins et experts. Puis, à partir de fin novembre, une semaine sera consacrée à la personnalité de l’accusé qui clame son innocence depuis le début de la procédure.
Randall Schwerdorffer : "L’empoisonneur il est présumé innocent, il est libre depuis 8 ans et il conteste les faits"
Pour l'avocat de la défense maître Schwerdorffer, "le vrai procès va commencer demain". En fin de séance, Frédéric Péchier a, face à la présidente de la cour d'assises, déclaré : "je réfute tous les faits qui me sont reprochés, je n'ai jamais empoisonné quelqu'un, je suis innocent".
Alors si ce n'est pas lui, qui d'autre ? Car si maître Schwerdorffer ne conteste pas les faits "les empoisonnements pour être clair il y en a eu, la question c'est qui ?", il rappelle cependant que ce n'est pas "à Frédéric Péchier de prouver son innocence" mais "au ministère public de prouver sa culpabilité". Sans toutefois détaillé son hypothèse, l'avocat a toutefois laissé entendre qu'un autre coupable, autre que son client, pouvait exister : "J’ai une réponse qui est aussi charpentée que celle des enquêteurs lorsqu’ils accusent Frédéric Péchier" a-t-il déclaré dans notre vidéo à l'issue de cette première audience.
L'innocence de Frédéric Péchier est aussi soutenue par son deuxième avocat, Lee Takhedmit. Décrivant son client comme "un homme qui a consacré sa vie à la médecine. Un homme très respectable qui a toujours oeuvré au bénéfice commun", il soutient que "ce serait quand même inédit qu’après 8 ans sans mettre un pied en prison, l’issue que tout le monde attend et qui serait acceptable ce serait qu’il aille en prison".
Le verdict, quant à lui, est attendu pour le 19 décembre 2025.