Tout a commencé le 22 janvier 2025, lors d’un contrôle de routine sur un livreur Uber à Besançon. Les investigations ont alors été confiées aux enquêteurs de l’Office, antenne rattachée à la Direction nationale de la police aux frontières et intégrée au service interdépartemental de la police aux frontières du Doubs. Selon Laurent Perraut, il s’agit d’”une enquête exemplaire menée pendant plus de neuf mois sous la direction du vice-procureur de Besançon”.
Un réseau structuré autour de faux comptes Uber et Deliveroo
Les premières vérifications ont révélé que certains livreurs utilisaient de vrais et de faux comptes pour exercer leur activité. Les enquêteurs ont alors cherché à remonter la chaîne de commandement, afin de comprendre le fonctionnement du réseau.
Le commandant divisionnaire Patrick Le Barre, chef du service interdépartemental de la police aux frontières (SIPAF) a expliqué que les investigations ont permis de ”démanteler une filière sur le territoire bisontin”, impliquant notamment des membres de la communauté bangladaise.

Certains livreurs, étrangers en situation irrégulière, travaillaient sous les identités de ressortissants bangladais disposant de comptes Uber Eats ou Deliveroo. Cette fraude s’accompagnait d’une fraude sociale massive, les déclarations auprès de l’URSSAF étant volontairement minimisées.
Des livreurs exploités et un système organisé
D’après la police, le réseau fonctionnait selon une structure pyramidale : les organisateurs fournissaient les comptes et percevaient une part importante des revenus. ”Les livreurs travaillaient et livraient, mais devaient remettre un pourcentage significatif, soit 30 % de la somme, aux commanditaires”, a précisé le commandant Le Barre.
Les échanges entre les membres du groupe se faisaient via des groupes WhatsApp. Huit personnes formaient le noyau du réseau, dont deux détenteurs des comptes officiels sur les plateformes de livraison.
Une opération d’envergure le 14 octobre
Le 14 octobre 2025, une opération simultanée a été menée par 30 fonctionnaires de la Direction interdépartementale de la police nationale du Doubs. Cinq domiciles situés dans le centre-ville de Besançon ont été perquisitionnés.
Au total, neuf personnes identifiées au cours des dix mois d’enquête ont été interpellées, ainsi qu’un étranger en situation irrégulière, placé sous obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Les perquisitions ont permis la saisie de 37.000 €, de vélos et de trottinettes, ainsi que de documents comptables attestant des transferts d’argent entre livreurs et donneurs d’ordre. Les enquêteurs estiment que les suspects percevaient entre 20 et 30.000€ par an.
Des poursuites pour travail dissimulé et blanchiment aggravé
Les neuf personnes présentées au parquet ont été poursuivies pour travail dissimulé en bande organisée, emploi d’étrangers sans titre, blanchiment aggravé et aide au séjour d’étrangers en situation irrégulière.
Les suspects, âgés de 20 à 35 ans, ont tous accepté la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Les peines prononcées vont de 10 à 12 mois d’emprisonnement avec sursis, assorties d’une interdiction de se fréquenter et d’exercer la profession de livreur. Chacun devra également s’acquitter d’une amende de 1.500 €.

Une filière installée de longue date à Besançon
Selon Laurent Perraut, cette structure était implantée depuis longtemps à Besançon. Le chiffre d’affaires indu du réseau est estimé à 37.000 €, somme désormais confisquée au profit de l’État.
La préfecture procède actuellement à l’examen de la situation administrative des individus interpellés.
”Il fallait montrer le mécanisme de versement du pourcentage à ceux qui effectuaient réellement les livraisons”, a conclu Laurent Perraut. ”Les registres comptables retrouvés ont permis de le démontrer.”
- Informations recueillies par Elodie Retrouvey