Vers 15h, les députés commenceront à débattre en priorité de l’article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui suspend jusqu’à janvier 2028 la marche en avant vers les 64 ans, tout comme le relèvement du nombre de trimestres à cotiser.
Concrètement, la génération née en 1964 partirait à 62 ans et 9 mois (comme la précédente) au lieu des 63 ans prévus par la réforme. Ces assurés partiraient avec 170 trimestres cotisés au lieu de 171. Si aucune autre réforme n’était votée après la présidentielle, l’application de la réforme Borne reprendrait ensuite, avec un trimestre de décalage.
En échange de leur non-censure au début des débats budgétaires, les socialistes ne boudent pas leur plaisir d’avoir réussi à faire bouger Emmanuel Macron, jusque là inflexible sur la principale réforme de son second quinquennat en dépit des nombreuses manifestations. "Ce rapport de force, il porte ses fruits", se réjouit le député Jérôme Guedj (PS).
D’autant que, pour s’assurer du vote des socialistes, et peut-être de certains écologistes et communistes, le gouvernement va déposer un amendement pour élargir cette suspension aux carrières longues, aux catégories "actives" et "superactives de la fonction publique (pompiers, aides-soignantes...) et aux personnes nées au cours du premier trimestre 1965.
Cela ne suffira pas pour être votés par les Insoumis, vent debout contre "une trahison" du PS sur "l’abrogation" de la réforme, revendiquée par le Nouveau Front populaire aux législatives de 2024.
Quel financement ?
"Nous ne voterons pas cette compromission PS-Lecornu !", dénonce Eric Coquerel (LFI) selon qui voter "ce décalage de 3 mois" revient à valider de facto aussi pour la première fois l’âge légal de 64 ans, la réforme Borne ayant été adoptée en 2023 sans vote par le recours à l’article 49.3 de la Constitution. Une ligne de partage qui divise aussi les syndicats, la CFDT ayant salué une "vraie victoire", quand la CGT fustige un "simple décalage".
Pour des raisons diamétralement opposées, une majorité du groupe LR devrait également s’opposer à cette suspension ainsi que les députés Horizons d’Edouard Philippe qui a désapprouvé une concession "trop importante" au PS et est persuadé au contraire que les Français devront "travailler plus longtemps".
Ces oppositions ne suffiront pas car d’une part, le RN "votera pour la suspension" selon le député Jean-Philippe Tanguy, et de l’autre les macronistes et le Modem s’abstiendront, souvent à contrecoeur, mais soucieux de ne pas faire dérailler l’accord entre Sébastien Lecornu et les socialistes.
Les débats devraient être aussi vifs sur le financement de cette mesure dont le coût, initialement évalué à 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027 par le gouvernement, pourrait grimper jusque "400 millions en 2026 et 1,8 milliard en 2027", selon le rapporteur Thibault Bazin (LR). Le gouvernement voulait la faire reposer sur une taxation des complémentaires santé, rejetée par les députés, et un gel des pensions de retraite et des minimas sociaux que les députés devraient également supprimer mercredi... avec l’aval du gouvernement.
Une étape
Le chemin sera de toute façon encore long pour l’adoption finale de cette suspension. Déjà, en raison du retard accumulé, les députés n’auront peut-être pas la possibilité de voter en première lecture sur l’ensemble du budget de la Sécurité sociale, dont l’examen doit s’achever mercredi à minuit. Il restera en effet environ 380 amendements à étudier à la reprise des débats à 15 heures.
Si l'examen n'est pas terminé mercredi soir, le texte sera quoi qu'il arrive transmis au Sénat et le gouvernement s'est engagé à y ajouter les amendements votés par l'Assemblée.
Les Insoumis estiment que socialistes et gouvernement se sont entendus pour jouer la montre pour ne pas prendre le risque d'un rejet du budget dans l’hémicycle. Car, si le RN vote pour la suspension de la réforme des retraites, il entend voter contre le texte dans son ensemble avec la suspension incluse.
Cela pourrait contraindre les socialistes à voter avec les macronistes en faveur du texte global alors qu'ils préfèreraient s'abstenir, n'en cautionnant pas toutes les mesures. "C'est pas un drame si on ne vote pas là", admet un cadre socialiste.
(AFP)


