"Nous avons fait deux enquêtes, l'une scientifique, l'autre avec un jury d'experts (culinaires) et les deux sont arrivées à la conclusion qu'il y a des différences de goût et de parfum, selon la musique avec laquelle le fromage a été affiné, et cela nous réjouit beaucoup que cette expérience produise un résultat si positif", s'est félicité Peter Kraut, directeur adjoint du département musique de la Haute Ecole des Arts de Berne et porte-parole du jury.
Un fromage de référence "non sonorisé"
Depuis août 2018, les petites meules de fromage étaient installées dans des boîtes ouvertes en bois avec en-dessous une enceinte leur diffusant de la musique en continu. Au programme: la Flûte enchantée de Mozart, de la techno, "Stairway to Heaven" de Led Zeppelin ou encore le groupe de hip-hop "A Tribe called quest" pour des meules voisines.
Un fromage non sonorisé servait de référence, tandis que d'autres étaient bercés par des sons continus de différentes fréquences.
Le hip hop rend le fromage "fruité"
"Le groupe de fromages qui a écouté du hip hop et de la fréquence basse était vraiment sur des notes beaucoup plus douces, beaucoup plus florales", a jugé le chef cuisinier suisse Benjamin Luzuy, qui faisait partie du jury d'experts.
Selon le communiqué de presse de la Haute Ecole des Arts de Berne, "le fromage soumis au hip hop se révèle particulièrement fruité tant en termes d'odeur que de goût et se distingue donc clairement des autres échantillons".
"Nous allons terminer notre expérience avec une troisième enquête, une recherche scientifique, une enquête biochimique pour déterminer s'il y a des différences (liées à la musique) dans la composition même du fromage", a expliqué M. Kraut. De son côté, M. Wampfler est ravi du résultat, lui qui souhaitait que le fromage hip-hop se distingue, afin de connecter la jeune génération avec la dégustation de fromages.
"Il y a déjà des gens qui m'appellent: est-ce que vous avez du fromage avec de la musique des Balkans ? Vous avez du blues ? Est-ce que vous avez AC/DC ?", a-t-il confié avec un grand sourire. A côté de lui, de jolies étiquettes portant en lettres gothiques des noms de styles musicaux "country", "blues", patientent, en attendant de prochains tests...
Méthodologie & Résultats
Les caractéristiques sensorielles d’un fromage de référence et d’autres fromages à pâte mi-dure soumis à des styles de musique différents ont été étudiées. Le projet repose sur l’hypothèse selon laquelle les différentes insonorisations des fromages à pâte mi-dure ont des répercussions différentes sur les caractéristiques sensorielles des fromages.
Les points suivants ont été pris en compte lors de la fabrication des fromages : le lait provient du même producteur et a été transformé dans la même citerne.
Pendant leur affinage, huit meules de fromage placées dans des caisses spéciales ont été soumises à différents styles de musique (hip-hop, rock, classique) ou à des ondes acoustiques spécifiques (ondes sinusoïdales) à basse, moyenne et haute fréquence. L’échantillon de référence n’a pas été insonifié, mais il a également mûri dans une caisse spéciale.
Les échantillons destinés à l’analyse sensorielle ont été prélevés dans les meules à l’aide d’une sonde juste avant l’évaluation. Chaque échantillon mesurait environ 10 cm et avait un diamètre d’environ 1 cm. Chaque examinateur a reçu un demi-échantillon de chaque meule, servi sur des assiettes en carton olfactivement et gustativement neutres, portant un nombre aléatoire composé de trois chiffres. L’analyse sensorielle des échantillons de fromage a été réalisée sur la base d’un examen du profil de consensus selon la norme DIN EN ISO 13299.
D’une manière générale, les différences sensorielles perceptibles lors de l’analyse sont minimes. En conclure que ces différences confirment l’hypothèse, c’est-à-dire qu’elles sont clairement dues à l’insonification, est possible mais non obligatoire.
Les différences ont été les plus manifestes pour l’attribut « corsé » en termes d’odeur et de goût. En effet, l’odeur et le goût de l’échantillon de référence se sont révélés les plus intenses, bien que l’échantillon sinus 2 (moyenne fréquence) ait été ressenti avec la même intensité. Il est ressorti par ailleurs que l’aspect « fruité » a été perçu, parmi les échantillons évalués, comme le plus intense en termes d’odeur et de goût pour l’échantillon hip-hop.
Une analyse à plus grande échelle doit être organisée pour découvrir s’il existe un lien de cause à effet clair entre l’insonification des meules de fromage et les différences sensorielles perceptibles. Pour ce faire, la fabrication de fromage devrait également être standardisée. Par ailleurs, des quantités plus importantes de fromage à pâte mi-dure devraient être produites afin de disposer de suffisamment de matière pour les échantillons.
(Avec AFP)