Jean-Louis Pech (FIEV) parcourt depuis quelques jours les régions emblématiques de l’industrie automobile afin de sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics à la profonde crise que traverse ce secteur depuis plusieurs années.
”Notre tissu industriel franc-comtois est aujourd’hui particulièrement impacté par les difficultés, sans précédent, que la filière automobile doit affronter”, a introduit Jean-Louis Pech, rappelant la dépendance forte de la région à cette industrie. Avec 366 établissements et plus de 42 000 salariés dans la filière, le secteur automobile représente environ 25 % de l’emploi industriel régional.
Une filière en recul constant
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la production de véhicules légers en France est passée de 1,5 million d’unités en 2023 à 1,36 million en 2024, soit une chute de 63 % depuis 2002. Parallèlement, les effectifs des équipementiers ont diminué de 17 % par rapport à 2019 et ont été divisés par deux depuis 2007.
”Notre industrie historique majeure a perdu sa place. On pesait, au début des années 2000, près de 4 millions de voitures produites en France. Aujourd’hui, on reste à 1,3 million depuis le Covid” a rappelé le président de la FIEV, en soulignant le décrochage vis-à-vis de l’Allemagne, dont la production est aujourd’hui trois fois supérieure.
Un risque de désindustrialisation accélérée
L’alerte est claire : sans intervention rapide, les pertes pourraient s'accélérer. D’après une enquête de la FIEV menée en mars 2025, 85 % des équipementiers interrogés font face à un risque de "dessoursing" – c’est-à-dire une relocalisation de leur production vers des pays à bas coûts – et 10 sites sont menacés de fermeture dans les 12 mois.
”Des entreprises se sont séparées de 30 à 40 % de leurs effectifs d’un seul coup. Et malheureusement, si rien n’est fait, ça va être de plus en plus rapide?”, a averti Damien Tournier. Le président de l’UIMM Doubs pointe également le manque de compétitivité et la difficulté à innover sans trésorerie : ”quand on n’a plus de trésorerie, investir et innover, c’est compliqué.”

Un modèle à défendre pour l’emploi et la souveraineté
Au-delà des chiffres, les intervenants ont insisté sur l’importance stratégique de l’industrie automobile. ”Je ne crois pas à une France sans industrie?”, a martelé Jean-Louis Pech lors de son intervention. ”La voiture est réalisée à 85 % par les équipementiers. Le constructeur assemble, mais tout ce qu’il assemble vient de notre écosystème. C’est une épine dorsale de l’activité industrielle européenne.”
Le président de la FIEV regrette ”une forme de naïveté” face à la concurrence étrangère, notamment chinoise : ”On ne sait pas se protéger en Europe". Il plaide pour un réarmement industriel, à la fois économique et politique, pour ne pas ”laisser filer la désindustrialisation automobile”.
Des propositions concrètes pour sortir de la crise
La FIEV a présenté un ensemble de préconisations claires pour soutenir la filière, parmi lesquelles :
- Imposer un contenu local minimal de 80 % pour les véhicules et pièces considérés comme ”fabriqués en Europe” ;
- Revenir à la moyenne européenne sur les impôts de production et les prélèvements obligatoires ;
- Maintenir et renforcer le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) ;
- Mettre en place un prix de l’électricité stable et compétitif pour les industriels ;
- Soutenir les investissements dans la fabrication de batteries en Europe ;
- Diversifier les approvisionnements en matières critiques et développer le recyclage.

"Nos politiques ne veulent pas voir que le pays s’enfonce dans une crise majeure”
Les représentants de la filière n’ont pas caché leur inquiétude quant à la lenteur voire inexistence des réponses politiques. ”On est toujours bien reçu, mais quelle est la suite ?”, interroge Pech. ”Il faut une action collective. Nos politiques ne veulent pas voir que le pays s’enfonce dans une crise majeure.”
Dans un territoire comme le Doubs, très industriel, la perte de compétences représente une menace immédiate. ”C’est maintenant que nous commençons à les perdre. Et si on perd ces éléments, on ne pourra pas rebondir”, alerte le président de la FIEV.
Face à une industrie en péril, les intervenants ont lancé un appel pressant à la mobilisation de l’État et de l’Europe. ”Dans les trois à quatre ans à venir, ce sera Waterloo”, a prévenu Jean-Louis Pech. Si des mesures fortes ne sont pas prises rapidement, c’est tout un pan de l’économie française, et une part essentielle de sa souveraineté, qui pourrait disparaître.