Pour la première fois depuis l’édition parisienne de 2000, le Congrès mondial des professeurs de français se tient de nouveau en France. Organisé tous les quatre ans, le rendez-vous avait dû se dérouler à distance en 2021 à cause de la pandémie de Covid-19. Cette 16e édition marque ainsi un retour très attendu, comme le souligne Viviane Youx, présidente de l’Association française des enseignants de français (AFEF) : ”L’idée a germé avec le CLA de Besançon en 2021. Depuis, nous préparons cet événement depuis quatre ans.”
Le congrès se tient jusqu’au 17 juillet dans plusieurs lieux emblématiques du centre-ville de Besançon, notamment le Kursaal, le Théâtre Ledoux, le Palais Granvelle et la faculté des lettres de l’Université Marie et Louis Pasteur. La ville a été choisie non seulement pour sa dimension à taille humaine mais aussi pour son lien historique fort avec la francophonie.
Une thématique ancrée dans le territoire : les utopies francophones
Le thème de cette édition, les utopies francophones en tous genres, veut reflèter l’héritage intellectuel et culturel de Besançon, ville de Charles Fourier, de Jenny d’Héricourt, de Pierre-Joseph Proudhon ou encore de Gustave Courbet, ”même s’il vient d’Ornans, ce n’est pas loin !” ajoute Viviane Youx en souriant. ”C’est un thème porteur, qui invite à repenser l’avenir, à se projeter dans une utopie positive. Une utopie francophone, certes, mais en tous genres, avec des valeurs d’égalité entre tous les êtres humains, filles et garçons”, insiste-t-elle.
Ce thème irrigue l’ensemble des quatre axes du programme scientifique : la diversité linguistique, les pratiques d’écriture, l’enseignement de la littérature et le français comme langue de travail.
Une mobilisation exceptionnelle et associative
Plus de 1.200 congressistes issus de 102 pays participent à cette édition, accompagnés par près de 120 bénévoles. Pour Cynthia Eid, présidente de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), c’est avant tout un moment humain : ”c’est un congrès associatif avant tout. Nous sommes une fédération de 220.000 adhérents et sympathisants, avec un million de professeurs de français dans le monde.” Elle alerte néanmoins sur les difficultés du métier, en précisant que ”30 % quittent la profession. Ce n’est pas un phénomène uniquement français, c’est mondial.”
Malgré les soutiens institutionnels, de nombreux congressistes n’ont pas pu participer pour cause de refus de visa.
Besançon, “centre du monde” pendant une semaine
Anne Vignot, maire de Besançon, a salué la tenue de ce congrès comme une reconnaissance pour la ville. ”Quand on nous a dit que Besançon allait être le centre du monde... Nous en sommes fiers.” L’accueil de ce congrès est aussi un enjeu d’image et de rayonnement pour le territoire. ”Dans un monde qui se fragmente, la langue permet de recoudre des liens”, ajoute l’élue.
Le Centre de linguistique appliquée (CLA), pilier de l’organisation, a joué un rôle central dans l’élaboration de l’événement. Son directeur Carlos Tabernero insiste sur la dimension collective du projet. ”Depuis la conception du dossier, c’est une véritable aventure collective. Le lien entre Besançon et la communauté internationale des professeurs de français est ancien et fort”, déclare-t-il.
Une logistique hors norme
Doubs Tourisme a coordonné l’ensemble de la logistique : hébergements, restauration, excursions, pass culture. ”Ce congrès dépasse tout ce qu’on a fait jusqu’ici”, reconnaît Béatrix Loison, sa présidente, ”1.200 chambres réservées, 2.275 nuitées, 3.000 déjeuners servis, 60 prestataires mobilisés…”
Les congressistes bénéficieront d’un pass culture-tourisme leur donnant accès gratuit à tous les musées de Besançon ainsi qu’aux transports en commun. Des visites touristiques, des spectacles et un gala au Palais Granvelle ponctueront également l’événement.
Des temps forts autour du patrimoine et de la réflexion éducative
Parmi les moments marquants : la cérémonie d’ouverture ce jeudi après-midi au Théâtre Ledoux, avec des interventions institutionnelles, et la conférence du professeur Jean-Louis Chiss sur les “utopies linguistiques et culturelles”. Le 17 juillet, la clôture accueillera le chanteur Aldebert et une conférence de Philippe Meirieu intitulée ”Utopies éducatives pour le meilleur et pour le pire ?”
”Besançon accueille le monde. On va y entendre des dizaines de langues. Et, ce n'est pas un hasard si Besançon accueille ce congrès, entre Besançon et la communauté des professeurs de français, il y a une longue histoire”, résume Carlos Tabernero.
Ce XVIe Congrès mondial de la FIPF, pensé comme une utopie devenue réalité, incarne un espoir pour la francophonie éducative et pour la place de l’enseignement du français dans le monde. ”L’utopie de départ s’est réalisée”, conclut Viviane Youx.