maCommune.info : Avec quel rôle ou quelle casquette portez-vous ce projet ?
Nicolas Guillaume : "J’ai lancé cette idée d’un pôle créatif autour de l’audiovisuel et du numérique en tant que passionné par la production de contenus et leur diffusion, notamment via les télécoms et les infrastructures internet, mon domaine de prédilection depuis près de 20 ans. Bisontin d’origine et entrepreneur depuis plus de 10 ans, j’ai toujours voulu contribuer au rayonnement et à l’attractivité de la ville, dont le potentiel est, selon moi, encore largement inexploité. Après des collaborations nationales et internationales en sus de ma propre activité depuis une décennie, je souhaite aujourd’hui concentrer mon énergie sur Besançon, en y développant quelques projets porteurs et innovants".
mC : Comment et avec qui vous est venue l’idée d’un tel projet ? Pourquoi ce lieu ?
Nicolas Guillaume : "Il manque aujourd’hui dans notre région un vrai lieu totem dédié à la création audiovisuelle, en complément des structures existantes comme le FRAC, le conservatoire ou La Rodia (plutôt axée sur le son). L’idée est de créer un pôle structurant autour de l’image, formant un continuum culturel au service de la scène émergente, des créateurs et producteurs de contenus.
En 2024, j’ai parrainé l’initiative TechCannes lancée par Sarah Lelouch via ma société Netalis (basée à Besançon, avec des bureaux à Aix-en-Provence et Sophia Antipolis), lors du festival de Cannes car nous connectons de nombreux événements de la Côte d’Azur. Cela m’a notamment permis de rencontrer de nombreux professionnels de la production, qui expriment un besoin de lieux de tournage et de post-production modernes, accessibles, et adaptés aux formats courts ou longs destinés à tous les écrans et tous les canaux incluant les plateformes locales ou internationales telles que YouTube TV, Netflix, Prime, etc.
Beaucoup considèrent Paris comme incontournable, mais les autres régions ont un potentiel réel, encore sous-exploité. Ce constat, renforcé par d’autres échanges dans mon réseau professionnel issu de cette filière, m’a convaincu qu’il y a un vide à combler rapidement dans l’Est de la France d’autant qu’entre Lyon et Strasbourg, aucune structure équivalente n’existe à ma connaissance. Le CNC a confirmé ce besoin lors d’un récent appel à projets France 2030 - La grande fabrique de l’image -.
C’est aussi en évoquant le devenir de l’ex-site Rhodiacéta avec des décideurs politiques bisontins que m’est venu l’idée d’imaginer ce nouveau pôle créatif, pour redonner à Besançon une place stratégique sur la carte culturelle et numérique française comme nous l’avons fait modestement dans les infrastructures internet et télécoms avec Netalis depuis 10 ans".
mC : Par quoi se traduirait-il ? Quel serait son fonctionnement ?
Nicolas Guillaume : "Le projet nécessite évidemment une réhabilitation complète des bâtiments existants. Pourquoi pas envisager de regarder aussi les ex-locaux de Superfos à proximité pour étendre le projet.
En pratique,"Rodia Studios" serait notamment composé d’un ensemble de plateaux et de studios – petits et grands - modulables à louer à la journée ou semaine. Et autour de cela, de nombreux équipements nécessaires à la production et la diffusion de contenus : coworking et bureaux privatifs fixes ou temporaires, coliving (logements temporaires) pour les équipes de tournage, écoles de formation, catering / cafétaria, salles informatiques… Il fonctionnerait à la fois comme un centre de ressources techniques au service des producteurs/créateurs peu importe leur taille et leurs moyens, un incubateur de projets pour faire éclore toujours plus de contenus et de créations originales, et un espace de transmission des savoirs (workshops, rencontres, formations)".
mC : Qui porterait le projet ? Qui s’occuperait de Rodia Studios ?
Nicolas Guillaume : "Il est prématuré d’envisager la gouvernance d’une telle idée qu’il faut déjà financer donc rendre parfaitement réalisable avec échéance « rapide » et non 15 ou 20 ans comme le quartier Saint-Jacques, ce serait bien trop long pour les citoyens comme pour les acteurs économiques. Et de ce point de vue, un appui des décideurs publics semble indispensable pour mobiliser et agréger des ressources financières privées, le plus important étant de recueillir tous les besoins ici, dans la région et pourquoi pas un peu au-delà, jusqu’en Suisse voisine, pour dimensionner correctement le projet.
Ensuite, à l’usage, les espaces peuvent être partagés, loués de façon fixe ou temporaire, par des sociétés locataires ou associations occupantes. Les modèles d’exploitation possibles ne manquent pas dès lors qu’ils sont pensés pour garantir une pérennité du site sur le long terme".
mC : Vous souhaitez exposer le projet aux candidats de l’élection municipale de Besançon ? Leur en avez-vous déjà parlés ? Certain(e)s candidat(e)s sont-ils déjà intéressé(e)s ?
Nicolas Guillaume : "Oui, l’idée est de soumettre ce projet aux candidat(e)s et suggérer de l’intégrer comme une proposition structurante pour la politique économique et culturelle de la ville et sa métropole. Des échanges informels ont déjà eu lieu récemment avec certains acteurs politiques locaux et l’accueil a été positif. L’objectif est désormais de formaliser cette vision et de l’inscrire dans les projets qui feront du développement économique et du rayonnement de Besançon une priorité absolue pour l’avenir du territoire".
mC : Quel budget serait nécessaire pour ce type de projet ? Comment pourrait-il être financé ?
Nicolas Guillaume : "Le budget dépendra de l’ampleur des travaux et de l’équipement visé, mais on peut estimer une enveloppe initiale d’environ 20 millions d’euros pour la création des premiers studios (réhabilitation des bâtiments, acoustique, matériel professionnel, etc). Le financement – qui nécessite une structuration très spécifique - pourrait être mixte : des fonds privés (investisseurs et fonds d’investissements spécialisés) en priorité aux côtés d’éventuelles subventions publiques (Ville/Métropole, Région, DRAC), d’appels à projets (CNC, Europe), et de mécénat. Le modèle économique est ensuite fondé en grande partie sur les espaces loués à court, moyen ou long terme sur le site et sur des services récurrents qui s’y trouveraient".
mC : Quand pourrait-il voir le jour s’il était accepté dans le futur budget ?
Nicolas Guillaume : "Si le projet était intégré au prochain mandat municipal (2026–2032), les premières étapes pourraient débuter dès 2026 : études de faisabilité et formalisation des besoins plus précis avec les acteurs régionaux intéressés, partenariats avec d’autres acteurs de la filière à l’échelle nationale, esquisse architecturale. L’ouverture opérationnelle pourrait avoir lieu à l’horizon 2028–2029, selon les phases de travaux, et donc de façon progressive pour des tranches supplémentaires au fil des mois. Tout dépendra de l’état du site et des bâtiments".
mC : En quoi Rodia Studios serait bénéfique pour Besançon ? Est-ce qu’une ville comme Besançon a besoin d’un projet de cette envergure ?
Nicolas Guillaume : "Oui, Besançon en a clairement besoin parmi d’autres projets et équipements d’envergure dans plusieurs domaines. Le territoire est très riche en talents, le Jura proche attire les tournages depuis de nombreuses années, mais trop de professionnels partent de nos territoires ou les ignorent lorsqu’ils sont à l’extérieur, faute d’infrastructures adaptées. « Rodia Studios » permettrait de retenir, former et produire localement, pour faire rayonner des projets artistiques créés ici, depuis Besançon. Cela renforcerait l’attractivité de la ville, son tissu culturel et économique, tout en consolidant sa position comme ville de création et d’innovation".
mC : Peut-on le comparer à un projet existant dans une autre ville ?
Nicolas Guillaume : "Aux Etats-Unis, on trouve de nombreux projets similaires dans des territoires excentrés de Californie. Les créateurs de contenus ont même commencé à créer leurs propres studios, cette tendance est encore très limitée en France, mais pourquoi ne pas l’accélérer.
En France, parmi les projets similaires, on peut penser à Union Studio à Tourcoing, ou encore au projet d’une association à Sarlat qui reconvertit une ancienne usine, sans omettre des projets déjà sur pieds dans des villes comme Nantes, Martigues ou Montpellier. Rodia Studios s’inscrirait dans cette lignée".