Damien Iehlen, 53 ans, est mort en 2008 à la clinique Saint-Vincent de Besançon où il était venu se faire opérer d'un rein. Il est le premier sur la liste des 30 empoisonnements, dont 12 mortels, imputés au docteur Péchier, soupçonné d'avoir frelaté des poches de produits anesthésiants jusqu'en 2017, afin de nuire à des collègues.
"Quelqu'un a mis de la lidocaïne en gros volumes dans la poche"
Devant la cour d'assises du Doubs, l'expert Dominique Chassard, professeur d'anesthésie à Lyon, a témoigné en visioconférence. Dès 2011, il avait émis l'hypothèse d'un acte malveillant dans ce dossier, après avoir analysé les résultats de l'autopsie de M. Iehlen.
"L'analyse a démontré qu'il n'y avait pas de lésion anatomique mais une intoxication à la lidocaïne (un produit anesthésiant) à très forte concentration, qui a provoqué le décès de ce monsieur de 53 ans, sans aucun antécédent" médical, a rappelé l'expert devant les jurés. Evacuant la possibilité d'une erreur médicale, avancée jusque-là par la défense, il a conclu que "quelqu'un a mis de la lidocaïne en gros volumes dans la poche (d'anesthésie) avant qu'elle soit utilisée, et volontairement".
"C'est le seul scénario possible", a-t-il ajouté. M. Chassard a précisé que la poche de soluté, en caoutchouc, aurait pu être percée à l'aide d'une seringue sans que cela soit remarqué par le personnel médical. "C'est un petit trou indécelable à l'oeil nu", a-t-il expliqué.
"C'est à l'accusation de démontrer que cet empoisonneur est Frédéric Péchier"
Interrogé par l'AFP, l'avocat de la défense, Randall Schwerdorffer, s'est montré convaincu par la démonstration de l'expert, alors que Frédéric Péchier ne reconnaissait pas jusqu'à présent l'existence d'empoisonnements avant 2017 et l'éclatement de l'affaire. "Un empoisonneur sévissait à Besançon depuis 2008, c'est évident", a-t-il déclaré. "Ces conclusions sur l'empoisonnement sont à notre sens incontestables".
"Maintenant, c'est à l'accusation de démontrer que cet empoisonneur est Frédéric Péchier", a ajouté Me Schwerdorffer.
A l'inverse, deux autres experts entendus vendredi n'ont pas voulu se prononcer sur le cas de Suzanne Ziegler, morte cinq jours après M. Iehlen. Cette femme de 73 ans souffrait en effet d'un terrain allergique et de troubles cardiaques, qui auraient pu expliquer son décès. En l'absence d'autopsie, "on ne peut pas se prononcer sur l'administration d'une substance toxique", a déclaré le médecin légiste Antoine Tracqui.
Frédéric Péchier, qui a toujours clamé son innocence, comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu le 19 décembre.
(AFP)