Marwan Khalil, flic désabusé à la veille de la retraite, traîne son spleen dans un Beyrouth étouffant, rongé par la chaleur, la poussière et les drames oubliés. Sa dernière mission tombe comme un mauvais présage : une universitaire retrouvée morte, un manuscrit d’histoire envolé, une hiérarchie très pressée de voir l’affaire classée. Pourtant, le vieux policier sent l’embrouille à plein nez — et refuse cette fois de fermer les yeux, quitte à secouer la poussière accumulée sur les vérités officielles.
Au centre de l’intrigue, un manuel scolaire d’histoire moderne récemment rédigé par la victime, censé enseigner à toute une génération ce que le Liban n’ose toujours pas se raconter. Ce document sensible, disparu avec la morte et cherché à tâtons par Marwan, fait surgir les non-dits et les lignes de fracture du pays. Sa quête, en apparence policière, révèle la débrouille désabusée d’un peuple, l’humour cinglant comme seule arme contre la fatalité, et surtout un État qui ne semble plus d’aucune aide pour ceux qu’il devrait protéger.
Il hérite d’une coéquipière inattendue, Ibtissam, jeune enquêtrice chiite à la motivation intacte, quand lui n’attend plus rien ni de ses chefs ni de la vie. Entre eux, la défiance vire peu à peu à l’ironie complice : dans une ville rongée par la corruption et les compromis confessionnels, l’humour grinçant est le meilleur gilet pare-balles. David Hury joue habilement des différences ; il campe un duo improbable, miroir d’un Beyrouth fissuré, où chaque enquête plonge dans les non-dits d’une société sous tension.
La force du roman : ne jamais céder au pathos, ni transformer le chaos en simple décor. Chaque scène charrie autant l’angoisse de l’attentat que la tendresse d’un quotidien qui subsiste, coûte que coûte. Le rire, toujours, pour désamorcer la peur — ce même rire noir et obstiné, signature des bons polars, permet de regarder ses propres malheurs bien en face, sans les fuir, ni les sanctuariser.
Hury dépeint une tragédie urbaine où l’espoir passe par un humour tenace. Polar, chronique, satire sociale : Beyrouth forever ouvre des pistes, laisse des questions, et suggère que le chaos n’est jamais qu’une page à réécrire, encore et toujours.


