Quand un patient demande à mourir : une étude menée depuis 2014 en Bourgogne-Franche-Comté

Publié le 23/05/2018 - 12:23
Mis à jour le 15/04/2019 - 14:53

Les états généraux de la bioéthique viennent de s’achever. Le Comité consultatif national d’éthique s’apprête à rendre en juin son rapport de synthèse pour aider l’exécutif à rédiger à l’automne un projet de loi de bioéthique. Il sera, entre autres, question de l’euthanasie. Dans la région l’étude DESA (demandes d’euthanasie et de suicide assisté) est portée par le CHRU de Besançon.

Choisir sa fin de vie ?

Régis Aubry est le chef du Pôle autonomie handicap du CHU de Besançon. Il conduit avec Aline Chassagne, Florence Mathieu-Nicot et Elodie Cretin, chercheures au CHU de Besançon, l'étude DESA visant à vise à décrire, caractériser et comprendre les demandes d'euthanasie, afin d’aider les professionnels et les proches dans l’accompagnement des patients en fin de vie.  

  • Menée depuis 2014 dans 11 unités de soins palliatifs en Bourgogne Franche-Comté et à Paris, l'étude porte sur les demandes d’aide à mourir explicitement exprimées par les patients. 

L’étude s’est appuyée sur 86 entretiens, réalisés en 2014 et 2015, auprès des malades demandeurs, de leurs proches et des soignants qui ont recueilli leur demande. Ces entretiens ont été conduits et répétés à différents moments au cours des deux semaines suivant la demande.

Ces entretiens mettent en évidence que la demande intervient à un moment bien particulier de la maladie, lorsque le rapport au corps est bouleversé et que le malade sait sa fin proche.

"Si donner la mort à autrui est interdit en France, le désir de mort est parfois exprimé par des personnes en fin de vie. L’analyse de cette parole n’avait jusqu’alors jamais fait l’objet d’une recherche en France" indique le CHRU de Besançon. "L’étude a permis d’analyser 31 demandes d’aide à mourir sur une période d’un an. Les patients rencontrés – 76 ans en moyenne – étaient principalement atteints de maladies néoplasiques et dans la plupart des cas, conscients de la proximité de leur mort".

La demande d'euthanasie n'est "pas figée" 

Pourquoi souhaite-t-on mourir ? L'étude montre que les motivations sont davantage liées à la souffrance engendrée par la perte d’autonomie qu’à l’inconfort ressenti à ce moment-là. La mort est alors perçue comme une délivrance. "Les demandes d’euthanasie ou de suicide assisté prennent appui sur les représentations qu’ont les patients des conditions de la mort qu’ils jugent acceptables ou non" soulignent les chercheurs.  "Cependant, la demande d’euthanasie n’est pas nécessairement figée, bien au contraire : les demandes évoluent et se transforment. Parfois elles ne réclament plus l’intervention d’un tiers ou, plus rarement, elles ne sont pas répétées".

Les interactions avec l’entourage, familial et soignant, et les évènements au cours de la maladie participent souvent à ces évolutions. "Pendant que les demandes varient, les patients sont souvent en prise avec un sentiment d’ambivalence, intrinsèque au désir de mort".

Maitrise de sa vie, maitrise de la mort.

L'étude met en lumière que le désir d’euthanasie est fréquemment lié à la conception de l’autonomie. Les chercheurs émettent l’hypothèse que l’affirmation du souhait de mourir exprime aussi, pour certains patients, l’affirmation de leur autonomie et la volonté de conserver une part de maîtrise de leur vie. "Formuler une demande d’euthanasie est « une manifestation de soi », c’est aussi une manifestation de vie". 

Info + 

Ciné-débat « Choisir sa fin de vie ? » 

Ciné-débat organisé par Régis Aubry, Aline Chassagne, Florence Mathieu-Nicot et Armand Dirand autour des questions posées par la fin de vie des malades. 

  • Vendredi 15 juin 2018 à 14h au Petit Kursaal à Besançon.

Débat animé par Régis Aubry , chef du pôle « autonomie et handicap » du CHU de Besançon et membre du Comité consultatif national d’Éthique,  et Danièle Leboul , psychologue à la maison médicale Jeanne Garnier, Paris. 

Le débat sera introduit par la projection du film d’Anne Kunvari "Le moment et la manière", qui retrace les derniers mois de vie de son amie Anne atteinte d’un cancer. La discussion qui s’ensuivra – ouverte à tous et en présence de la réalisatrice – sera alimentée, outre le film, par les résultats d’une recherche portant sur les «demandes d'euthanasie et de suicide assisté » (DESA) formulées par les malades en fin de vie2, portée par le CHU de Besançon et inscrite dans un axe de recherche à la MSHE Ledoux (Université de Franche-Comté).

Régis Aubry est chef du Pôle autonomie handicap du CHU de Besançon et membre du Conseil consultatif national d’éthique ; 

Aline Chassagne est sociologue au CHU de Besançon et chercheure associée au LASA (laboratoire de sociologie et d’anthropologie) de l’UFC. 

Florence Mathieu-Nicot est psychologue au CHU de Besançon et chercheure associée au Laboratoire de psychologie de l’UFC. 

Armand Dirand est philosophe à l’Espace de réflexion éthique Bourgogne Franche-Comté.

*L’étude DESA est soutenue par le CHU de Besançon, la Fondation de France, le Défenseur des droits et la Fondation Bettencourt Schueller.


Soyez le premier à commenter...

Laisser un commentaire

Santé

Prendre soin de ceux qui soignent : une nouvelle initiative à Besançon

Face au mal-être croissant des professionnels de santé, CaPaciTéS Besançon et Métropole et l’association Le Don du Souffle (DDS) lancent une série d’ateliers destinés à améliorer le quotidien des soignants et à renforcer le lien entre eux. "Prendre soin des professionnels de santé : une priorité", rappellent les porteurs du projet dans leur communiqué du 17 octobre 2025.

La résidence autonomie Les Salins de Bregille se renouvelle après un an de travaux

Présente depuis plus d’un demi-siècle sur les hauteurs de Besançon, la Résidence autonomie Les Salins de Bregille vient d’achever une importante phase de rénovation, a-t-on appris le 15 octobre 2025. Une transformation qui marque une nouvelle étape de son histoire…

Forte baisse du tabagisme en France : 4 millions de fumeurs quotidiens en moins en 10 ans

Selon les premiers résultats du Baromètre de Santé publique France 2024, la France enregistre une forte baisse du tabagisme, rompant avec la stagnation observée pendant la pandémie de Covid-19. Il s’agit d’une diminution historique du nombre de fumeurs dans l’Hexagone…

Dermatose nodulaire contagieuse : une stratégie sanitaire de lutte pour “éradiquer” l’épidémie dans le Jura

Ce mardi 14 octobre 2025, le préfet du Jura Pierre-Edouard Colliex, a présidé une réunion de gestion de crise sur la dermatose nodulaire contagieuse en présence des services de l’État : la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP), la Gendarmerie nationale, le Service Départemental d’Incendie et de Secours, ainsi que les professionnels agricoles : Groupement de Défense Sanitaire (GDS), des vétérinaires, le président de la Chambre d’agriculture et le directeur de la FDSEA.

Retrouver vos valeurs essentielles : l’exercice fétiche de notre coach Anne Sallé

NO STRESS • "Connaissez-vous vos valeurs ? Savez-vous ce qui compte vraiment pour vous ?" Je me rappelle de la mine effarée de mes étudiants face à ces questions. Non, franchement, ils ne s'étaient jamais posé la question et ne savaient même pas ce que cela pouvait bien vouloir dire...

Santé mentale : le nombre d’hospitalisations pour gestes suicidaires chez les jeunes femmes en hausse

À l’occasion de la Journée mondiale de la Santé mentale, Santé publique France publie ce vendredi 10 octobre 2025 son bilan annuel sur les conduites suicidaires. Si le nombre de décès reste stable, l’agence alerte sur la progression des hospitalisations, notamment chez les jeunes filles et jeunes femmes.

À Besançon, une mobilisation pour défendre les droits à la Sécurité sociale

Dans le cadre des 80 ans de la création de la sécurité sociale, une mobilisation mêlant le syndicat CGT et la fédération du Doubs du Parti communiste a été organisée devant les locaux de la CPAM du Doubs, rue Denis Papin à Besançon. L’occasion également de rappeler certaines revendications…

Choice et SilMach unissent leurs savoir-faire pour développer une contraception sans hormone et connectée

La deeptech bisontine SilMach et la start-up néerlandaise Choice ont annoncé ce jeudi 9 octobre, une collaboration inédite pour concevoir un microdispositif contraceptif jugé révolutionnaire. Alimenté par un micromoteur, ce dispositif sans fil pourrait permettre d’ouvrir et de fermer des valves implantées dans les trompes de Fallope, offrant une contraception réversible, sans hormones et sans douleur.

Subventions en chute libre pour les associations : le président de Aides Bourgogne Franche-Comté, dénonce “un sentiment de trahison”

TÉMOIGNAGE • Président de Aides Région Pores d’Europe (Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France) et vice-président national de Aides, Emmanuel Bodoignet a livré ce mercredi 8 octobre lors d’une conférence de presse du Mouvement des associations de Bourgogne Franche-Comté un témoignage marquant sur la situation de l’organisation qui représente, confrontée à une chute brutale de ses financements.

Offre d'emploi

Devenez membre de macommune.info

Publiez gratuitement vos actualités et événements

Offre d'emploi

Sondage

 5.75
ciel dégagé
le 18/10 à 00h00
Vent
2.05 m/s
Pression
1023 hPa
Humidité
92 %